Alexis Ohanian

Alexis Ohanian

"Il se trouve que je suis né à Brooklyn, j'aurais très bien pu naître à Erevan ou probablement quelque part en Arménie Occidentale."
 

Le magazine Forbes qualifie Alexis Ohanian de "Maire de l'internet" et l'a inclus deux ans à la suite dans sa liste des "30 Under 30" en sa qualité de personnalité qui compte dans l'industrie des technologies. En 2013, le magazine Wired l'a présenté comme un "Champion de l'innovation". Celui qui est un fan du groupe « System of a Down » considère que le meilleur concert que SOAD a donné a été celui du 23 avril à Erevan.

"Il se trouve que je suis né à Brooklyn, j'aurais très bien pu naître à Erevan ou probablement quelque part en Arménie Occidentale." J'ai envie que mon savoir aide le plus de gens possible, mais surtout mes compatriotes arméniens," affirme Alexis.

Agé de 32 ans, Alexis Ohanian, co-fondateur de Reddit.com, un des 100 sites les plus consultés de la planète, a créé ce site avec un camarade d'université il y a dix ans. Reddit est une sorte de tableau d'affichage et de plate-forme communautaire en ligne, qui permet à ses utilisateurs d'organiser du contenu : les membres inscrits peuvent soumettre des articles, des liens, etc., tandis que d'autres utilisateurs votent pour ou contre, déterminant ainsi leur place et leur classement sur la page. Plusieurs thèmes sont organisés en "sous-reddits," incluant entre autres des films, des livres, des actualités, de l'alimentation.   

Ohanian compte aussi d'autres succès à son actif : en 2010 il a aidé à lancer le site de voyage Hipmunk.com, puis la même année il a fondé Das Kapital Capital - une société spécialisée dans le financement et le conseil des jeunes pousses. Breadpig.com, qu'Alexis a lancée en 2008, vend des articles branchés et consacre ses bénéfices essentiellement à des œuvres caritatives.

 

Alexis se considère comme "chanceux," car il a reçu une éducation qui l'a aidé à devenir un autodidacte. "Un des côtés gratifiants de cette industrie, c'est que tout le monde en fait a librement accès au savoir qu'elle produit. J'ai fait le choix de tout savoir, et c’est sans doute le meilleur investissement que j’ai fait ».

En 2013 Alexis a publié un ouvrage intitulé Without Their Permission [Sans leur permission] à l'attention des jeunes entrepreneurs qui croient dans l'avenir de l'internet comme source de loisirs, de profit et de soutien.

Alexis en Arménie

Alexis Ohanian a visité pour la première fois l'Arménie avec Kiva Microfunds, une organisation à but non lucratif. "J'ai toujours eu envie de nouer un lien avec ma patrie, mais j'ai eu finalement cette opportunité en 2010, quand j'ai décidé de quitter Reddit pour me porter volontaire en Arménie avec Kiva pendant quatre mois," précise-t-il.

Alexis fit équipe avec plusieurs personnes animées des mêmes valeurs et organisa le premier salon d'Erevan dédié aux nouvelles technologies (TEDx Yerevan), où des personnalités partagèrent leurs idées sur la façon de faire de ce monde un endroit meilleur à vivre.

 

"Mon père n'avait jamais voyagé en Arménie avant mon premier séjour, et en fait je n'avais aucune idée de l'Arménie, sauf peut-être la cuisine arménienne. J'ai pas mal d'amis arméno-américains qui sont rentrés d'Arménie métamorphosés. Quand j'ai vu l'Ararat pour la première fois, j'ai pris de suite une photo que j'ai envoyée à mon père. Je sais que cette image est devenue un cliché. Mais elle est une source d’inspiration," se souvient Alexis. 

 

 

Alexis et son père Chris Ohanian à Etchmiadzine en Arménie, avril 2015

Le dernier des Ohanian

"Aux États-Unis, Ohanian n'est pas un patronyme arménien courant. Le fait est que dans ce pays il est très commode d’être un Arméno-Américain, même si tu n'as pas besoin d'échanger avec plein d'autres Arméniens. Si tu vis à Los Angeles, c'est différent, mais ailleurs il y a peu d'échanges," précise Chris Ohanian, le père d'Alexis.

Chris Ohanian est né et a grandi à San Francisco, en Californie. La famille de sa mère Elizabeth Der-Krikorian a été l'une des nombreuses familles déportées à avoir quitté Bitlis pour Marseille, en France. Puis Elizabeth partit aux États-Unis où elle rencontra et épousa le grand-père d'Alexis, John Ohanian.

"Mes parents sont Arméniens et je connais un peu la langue arménienne, sans l'avoir apprise. Ma mère et mon père se parlaient parfois en arménien, une langue que ma sœur et moi ne pouvions comprendre," se souvient Chris Ohanian en souriant. "On ne parlait pas trop du génocide dans notre famille. Mais, fait notable, à mesure que mon père vieillissait - d'une certaine manière les gens âgés commencent à parler de choses dont ils ne parlaient pas - il s'est mis à parler de son propre père."

La famille du grand-père d'Alexis, John Ohanian, est arrivée de Kharpout (Kharpert, l'actuelle Elazığ, en Turquie). Les parents de John étaient des orphelins du génocide. Sa mère Manzar s’était retrouvée dans un convoi à travers les déserts de Syrie. Elle perdit ses parents et ses proches et se retrouva à Alep.

Son père Avédis vit ses parents être tués sous ses yeux.

"Les Turcs arrivèrent à Kharpout. Ils liquidèrent le père d'Avédis, puis sa mère et s'apprêtèrent à le tuer aussi. Mais il y avait deux Turcs à cheval, l'un d'eux dit à l'autre : "C'est qu'un gamin ! Laisse-le !" et Avédis se retrouva dans un orphelinat. Puis il réussit à arriver en Amérique et il s'installa à Binghamton, au nord de l'État de New York, au sein d'une nombreuse communauté arménienne," précise Chris Ohanian.

 

Extrait des archives Ohanian, de gauche à droite, rangée arrière : Manzar Ohanian, Avédis Ohanian, Parsek Katchadourian, le cousin d'Avédis. Premier rang : les enfants d'Avédis, Vera Ohanian et John Ohanian.

Avédis fut le seul des Ohanian à survivre. Il partit aux États-Unis dans les années 1920. Dans l'un des nombreux journaux arméniens locaux, il lut que Manzar, la fille de leurs voisins à Kharpout, se trouvait à Alep. Il la retrouva et la fit venir aux États-Unis. Ils se marièrent et eurent quatre enfants : Vera, John, Elsa et Mary. Avédis travailla pendant trente-deux ans dans une manufacture de chaussures. Finalement, il acheta un petit immeuble d'habitation et vécut de ses rentes.

"Mon grand-père Avédis n'apprit jamais l'anglais, il ne parlait qu'arménien. Mais il savait travailler dur et gagner de l'argent. Il était très fier de travailler là-bas six jours par semaine, de se faire de l'argent et de subvenir aux besoins de sa femme et de leurs quatre enfants. Nous vivions à San Francisco. Il est venu nous voir en Californie, en 1959-1961, durant deux ou trois mois. C'était quelqu'un de gentil, mais il n'y avait pas beaucoup de communication entre nous. Il est mort septuagénaire," se souvient Chris Ohanian.

Alexis, le seul enfant de Chris et Anke, originaire d'Allemagne, est né un 24 avril - jour de commémoration du génocide arménien.

"Quand Alexis est né, je me rappelle encore à quel point Tante Vera était dans tous ses états, se demandant pourquoi exactement ce jour-là et ce que cela pouvait bien vouloir signifier. Puis nous avons compris qu'on pouvait y voir une renaissance," déclare Chris Ohanian. "Tante Vera a dressé un arbre généalogique sur un morceau de papier. Je l'ai chez moi et je le donnerai à Alexis."

 

Trois générations d'Ohanian: John, Alexis et Chris en juin 2012.

"Pour moi, être Arménien signifie une victoire. La réussite de chacun des nôtres est une victoire face au génocide - ils ont failli nous anéantir, ils ont failli nous réduire au silence, et nous continuerons à nous battre à travers le monde. Cela me rempli de fierté," souligne Alexis.

Cette histoire a été authentifiée par l'équipe de chercheurs de 100 LIVES.