"La science est l'une des formes les plus hautes du labeur spirituel, puisqu'elle est liée à l'activité créatrice de l'intellect, forme suprême de notre condition humaine," déclarait René Favaloro lors du congrès "Science, Education et Développement," à Tel Aviv, en mai 1995. Formateur et médecin, cardio chirurgien, il est à l'origine du développement du pontage coronarien au moyen de la veine saphène, une technique qui a contribué à sauver des milliers de vies. Auparavant, et douze années durant, il fut médecin rural dans un petit village de la province de La Pampa, où il aida à créer des conditions dignes, enseignant les notions fondamentales de santé et contribuant, de façon significative, à la réduction de la mortalité et de la dénutrition infantiles.
Né en 1923 dans la ville de La Plata, en Argentine, le docteur Favaloro étudia la médecine à l'Université Nationale de La Plata, débutant en troisième année ses consultations à l'Hôpital Polyclinique. Il n'était pas rare de le voir à l'hôpital après ses horaires de travail, y revenant pour suivre l'évolution de ses patients et parler avec eux. Ses camarades et professeurs avaient coutume de dire que c'était un jeune homme soucieux, passionné par son travail et dévoué à ses patients.
En 1950, René, jeune diplômé, reçut une lettre d'un oncle qui vivait à Jacinto Aráuz, une petite bourgade dans la province de La Pampa. Dans ce document, il l'informait que le médecin du village avait des problèmes de santé et qu'ils avaient besoin de professionnels pour le remplacer. En mai de la même année, Favaloro se rendit dans cette localité et, immédiatement, s'impliqua dans la situation sociale du village. Peu après, son frère Juan José, lui aussi médecin, se joignit à cette tâche. Ensemble ils ouvrirent un dispensaire qui joua un rôle essentiel dans la vie des habitants. Les deux frères s'occupaient non seulement de la santé des gens, mais aussi de l'éducation, un outil à leurs yeux fondamental pour changer la société.

René Favaloro |
En peu de temps, les transformations commencèrent à être visibles. S'il est difficile d'estimer le nombre de vies qu'a sauvé le docteur Favaloro, l'impact n'en fut pas moins évident : le niveau social de la population s'était amélioré et le niveau sanitaire avait augmenté. Les infections durant les accouchements se firent rares, la mortalité infantile fut quasiment réduite à zéro et les cas de dénutrition baissèrent peu à peu. Les améliorations ne furent pas seulement dues à des questions de médecine professionnelle, elles s'accompagnèrent aussi d'un processus de conscientisation et d'éducation. Progressivement, s'accomplit le changement culturel nécessaire parmi la population, permettant un changement conséquent dans les pratiques sanitaires, grâce à d'innombrables débats et campagnes de conscientisation. C'est ainsi que le dispensaire s'agrandit, se révélant central pour la vie des habitants du village.
Le docteur Favaloro représentait un héros anonyme. Sa blouse blanche ne créait pas de distances entre ses patients, mais signifiait au contraire la transformation de tout un village.
Durant son séjour de douze ans à Jacinto Aráuz, René Favaloro ne cessa pas de se former et se rendait fréquemment à La Plata pour continuer à s'initier aux nouvelles techniques. La chirurgie cardiovasculaire fut sa passion de toujours. Après avoir exercé comme médecin rural, un défi de taille l'attendait : il était temps de voyager aux Etats-Unis pour découvrir de nouvelles techniques et se spécialiser dans ce domaine. Il se rendit à Cleveland, dans l'Ohio, et travailla comme interne pour intégrer ensuite l'équipe de chirurgie de l'hôpital de Cleveland.
En 1967, le médecin argentin commença à songer à ce qui deviendra, par la suite, une révolution dans le domaine de la médecine. Favaloro intégra la veine saphène dans les chirurgies coronaires; ce fut le début de la technique dite du pontage, largement utilisée aujourd'hui.
Il fut le pionnier d'un nouveau paradigme de la médecine; un changement radical dans le traitement des affections coronariennes, qui transcenda les frontières et fit le tour du monde.
En 1971, le docteur Favaloro regagna son pays d'origine et, quelques années plus tard, créa la Fondation Favaloro, un centre de recherches et d'études; une institution très prestigieuse restée intacte à ce jour. Désireux de se rapprocher de la population, l'Institut de Cardiologie et de Chirurgie Cardiovasculaire de la Fondation Favaloro, un organisme sans but lucratif, fut inauguré en 1992, sur le thème "Technologie avancée au service de l'humanisme médical."

Le docteur Favaoro dînant avec le docteur Luis Leloi, Prix Nobel, et son épouse Amelia |
Tout au long de sa grande carrière, il voyagea à travers le monde non seulement pour présenter sa technique révolutionnaire, mais aussi évoquer la relation entre la science, l'éducation et le développement humain. Entre autres destinations, il se rendit aussi en 1973 à Erevan, en Arménie, où il prononça une conférence à la faculté de médecine de l'Université d'Etat d'Erevan.
René Favaloro transcenda le domaine de la médecine et resta toujours proche du peuple. Il était si proche de la culture populaire que deux groupes de rock argentins, Attaque 77 et Bersuit Vergarabat, lui ont dédié des chansons. Le docteur Favaloro nous a quittés le 29 juillet 2000, après avoir fait face à une crise économique, sans pouvoir rassembler les fonds nécessaires à sa Fondation.