Ce missionnaire suisse et diacre évangéliste passa les deux premières décennies du XXe siècle à apporter un secours médical aux Arméniens, notamment aux victimes du génocide.
Son ouvrage « Au Pays du sang et des larmes : la Mésopotamie durant la Grande Guerre (1914-1918) » est un récit essentiel qui retrace les horreurs dont il fut le témoin oculaire. Avec sa femme Elizabeth, ils retournèrent dans la région dans le cadre du programme de l’organisation Near East Relief, afin d'aider à l'évacuation d'orphelins de Turquie. Ensemble, ils parvinrent à emmener avec eux 8000 enfants réfugiés en Syrie et au Liban. En 1923, ils prirent la direction d'un orphelinat hébergeant 1400 jeunes filles à Ghazir au Liban, près de Beyrouth. Il fut plus tard amputé d'un bras la même année. Pourtant, « Papa Künzler » continua de prendre soin de ses protégés pendant 25 années.
Künzler avait lui-même perdu très jeune ses parents et travailla comme charpentier avant de devenir l'assistant d'un médecin. Il se rendit d'abord à Ourfa en 1899 et y travailla 20 ans, souvent comme assistant de chirurgie, il apprit à parler couramment l’arménien, le turc et le kurde. Lorsque la Première guerre mondiale éclata et que de nombreux étrangers furent contraints de quitter la Turquie, Künzler, en vertu de sa nationalité suisse, fut autorisé à demeurer dans le pays. Il était souvent la seule ressource médicale disponible pour les victimes du génocide dans la région et ce à quoi il assista durant ces années le marqua à la fois mentalement et physiquement.
À la fin de la guerre en 1919, c'est un Künzler à bout de forces qui retourna en Suisse pour récupérer. Jakob termina sa formation de médecin et, hanté par ce qu'il avait vu, rédigea son témoignage sur le génocide. Lorsque le programme de mise à l'abri des orphelins hors de Turquie démarra, le couple dirigea leurs efforts dans la région. « Par notre connaissance de la région et de ses langues, notre présence était plus pertinente que celle d'autres travailleurs auprès du « Near East Relief »... on nous donna l'instruction d'évacuer 8000 orphelins arméniens d'Ourfa et de ses alentours », écrivit-il plus tard, décrivant plus en détail cet effort comme « un travail qui nous rendit heureux à tel point que nous considérions cet épisode de notre vie comme l'un des meilleurs ». Cet effort titanesque est considéré comme la clé du salut de nombreux Arméniens occidentaux.
Künzler s'assura que les enfants de l'orphelinat de Ghazir apprendraient l'art du tissage de tapis ainsi que d'autres savoir-faire qui leur offriraient un travail une fois adultes : en 1925 ils confectionnèrent un tapis qui fut offert au président américain Calvin Coolidge. Künzler se prit également d'un intérêt quasi paternel pour ses protégés, s'assurant dans la mesure du possible que les jeunes filles de l'orphelinat épouseraient des garçons arméniens afin de sauvegarder leur identité nationale en exil. Avant son décès en 1949, Jakob Künzler poursuivit ses efforts par la fondation d'une institution destinée à accueillir les orphelins aveugles et la création d'un sanatorium et initia un programme de construction immobilière au profit des réfugiés arméniens. A eux seuls, lui et sa femme réunirent les fonds nécessaires.
Cette histoire a été authentifiée par l’équipe de chercheurs de 100 LIVES. Crédits photos : Musée Institut du Génocide des Arméniens.