Il s’agit d’une histoire horrible de violence sexuelle systématique et de persécution militaire coordonnée. Les djihadistes ont fait massacrer des milliers d'hommes avant d’emporter avec eux des milliers d'autres femmes et enfants en direction des marchés d'esclaves de l’EI afin de les échanger et les vendre.
Les combats dans de nombreux bastions de l’EI ont à présent cessé, mais 2 900 femmes et enfants sont toujours portés disparus et des milliers de femmes et d'enfants yézidis qui vivaient sous leur régime sadique luttent pour retrouver une place dans leurs communautés.
Le fait est qu’il existe une disparité frappante entre la manière dont les communautés locales et internationales s'emploient à bien réhabiliter les survivants du génocide, psychologiquement et physiquement.
Leurs cicatrices physiques sont peut-être plus visibles, mais les traumatismes mentaux infligés sont beaucoup plus durables. Un manque de services de réadaptation et de soutien en santé mentale empêche les 6 500 femmes et enfants capturés par l’EI de s'intégrer de manière significative dans leur communauté.
Les automutilations, le trouble de stress post-traumatique et une mauvaise santé mentale ont des conséquences sur plus de 80% des femmes et des filles détenues captives pendant le conflit.
Les dommages psychologiques infligés sont exacerbés par les graves problèmes auxquels ils sont confrontés au retour. Beaucoup d’entre eux se rendent compte que d’autres parents sont toujours pris au piège en captivité ; des communautés entières sont déplacées dans des camps misérables en dehors de leur pays d’origine ; les femmes qui ont subi des violences physiques et sexuelles sont ostracisées ; et les enfants yézidis qui ont subi un lavage de cerveau par leurs ravisseurs sont rejetés et se voient refuser l'accès à l'éducation.
Le résultat est pervers : ceux qui ont réussi à survivre au viol, à la torture et au génocide se voient refuser les outils fondamentaux pour se réintégrer et commencer à reconstruire leur vie. Nous devons donner aux survivants du génocide yézidi les moyens de se reconstruire et de reconstruire leurs communautés afin que leur génération ne soit ni oubliée ni perdue.
Cela nécessite de soutenir les initiatives menées par les communautés pour reconstruire les écoles, fournir un accès au traitement post traumatiques et à des services de santé distincts pour les victimes de violences sexuelles liées aux conflits, et fournir une expertise et des ressources sur les complexités du traitement psychologique, ce domaine étant rare pour les communautés concernées.
Pour les cas les plus graves, nous devons prévoir des projets de réinsertion appropriés afin que ces survivants puissent vivre le reste de leur vie en paix.
Lors d'une mission de sauvetage de civils yézidis fuyant l’avancée de Daech en 2014, notre hélicoptère s'est écrasé et j’ai échappé de justesse à la mort. C’est allongé dans les décombres, au milieu du carnage de l’occupation de l’EI, que j’ai réalisé plus que jamais ce qui était en jeu et que j’ai été amené à aller plus loin afin de consacrer ma vie au sauvetage de ma communauté et des plus démunis. A présent, et en dehors de l'intensité des événements survenus il y a cinq ans, je réalise que fuir leurs ravisseurs n'est que le début d'un long parcours vers le retour à la normalité.
Si nous ne répondons pas au manque cruel d’assistance psychologique pour le peuple yézidi, nous risquons de perdre toute une génération de femmes et d’enfants qui ont survécu aux horreurs du génocide, mais qui risquent d’être perdus. Cela dépendra de la collaboration entre les communautés locales et internationales pour leur donner les moyens de vivre en sécurité et avec succès.
Mirza Dinnayi est un militant yézidi qui travaille avec les victimes de l’EI et qui a aidé à sauver des centaines de femmes et d'enfants pendant la guerre en Irak. Il est l'un des trois humanitaires qui a pris la parole lors du premier forum Aurora à Erevan, en Arménie, en octobre.
Cet article est paru initialement dans the Independent