Le moins que l'on puisse dire de Christopher Catrambone, natif de Port Charles, en Louisiane, c'est qu'il est original et déterminé. Diplômé de l'université McNeese, il se lance dans toute une série d'activités, comme diriger un restaurant sur un bateau à vapeur dans les Iles Vierges, gérer une campagne politique en Louisiane ou encore travailler aux Congrès des États-Unis à Washington, DC.
Chris Catrambone se retrouve finalement employé comme enquêteur d'assurances. On l’envoie dans des endroits à risque comme en Irak et en Afghanistan, ou et suivre des très médiatisés projets d'habitation à La Nouvelle Orléans. Passons à 2006, où Chris fonde le Tangiers Group. En dix ans à peine, l'entreprise devient l'un des leaders mondiaux dans les domaines de l'assurance, l'aide d'urgence, du traitement des sinistres sur place et des services de renseignement. Actuellement sa société siège à La Valette, capitale de la république de Malte.
Un homme d'action
Encore quadragénaire, Chris Catrambone a surtout attiré l'attention autour de lui par sa réaction étonnamment rapide et efficace pour faire face à la tragédie des migrants de Lampedusa, où l'on estime que des centaines de migrants ont péri noyés quelque part entre les côtes libyennes et cette île italienne. Avec son épouse Regina, Chris a fondé le Migrant Offshore Aid Station (MOAS) [Station d'Assistance Offshore pour les Migrants en 2014. La station emploie un bateau long de 40 mètres, appelé le Phoenix, équipé d'un drone, afin d'aider les migrants qui tentent de traverser la Méditerranée. Cela signifie parfois sortir littéralement les gens hors de l'eau. Avec un équipage de bénévoles dévoués et un personnel médical et de secours qualifié, MOAS a sauvé la vie de plus de 3 000 réfugiés.
Impressionnés par l'approche humanitaire unique et pragmatique de Catrambone et l'efficacité de ses opérations, nous avons évoqué avec Chris ses motivations et ses objectifs, qui peuvent être une source d’inspiration.
Alors que des gouvernements se figent dans l’immobilisme, incapables de gérer la crise croissante des migrants et des réfugiés - peut-être la crise humanitaire la plus grave à ce jour au 21ème siècle - Catrambone et son équipe agissent avec conviction, l'ingéniosité et rapidité.
- Christopher Atamian : Qu'est-ce qui t'a poussé à aider les réfugiés en Méditerranée et pourquoi avoir créé MOAS ? Quel est le but de ton association à long terme ?
- Chris Catrambone : Ma femme et moi on a décidé de créer MOAS tout simplement parce qu'on trouvait absurde que des êtres humains, des familles entières se noient en mer en quête d'un refuge. Il nous était impossible de rester bras croisé. L'objectif à long terme est de diffuser ce message à travers le monde et au-delà de la Méditerranée. Personne ne mérite de mourir en mer. On ne peut pas se contenter de fermer les yeux, parce que ces disparitions se produisent loin des projecteurs de l’actualité. Nous devons faire tout notre possible pour préserver la valeur sacrée de la vie et assurer la sécurité des gens partout où ils sont en danger.

© Jason Florio, MOAS |
- Christopher Atamian : Te considères-tu comme quelqu'un de "normal," solide au plan moral, ou bien ayant un sens extraordinaire de sa mission ? D'après toi, ton éducation familiale ou ta foi ont-elles contribué à ta compassion envers les autres ?
- Chris Catrambone : J'ai eu la chance, très jeune, de lancer une affaire qui a marché. Ce qui m'a permis d'être accueilli partout où je vais. Mais ça m'a aussi fait prendre conscience des réalités diverses que vivent les gens. Quand tu travailles dans une zone en conflit, tu réalises à quel point les gens là-bas n'ont pas le même accès aux opportunités. Tant de gens luttent pour leur survie. Après avoir atteint un certain niveau de succès, j'ai eu envie de faire en sorte que ce succès puisse être utile à d'autres gens. Bien évidemment, ma foi a inspiré cette façon de voir les choses.
- Christopher Atamian : Pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens faisant le travail que tu fais pour aider les autres ?
- Chris Catrambone : Plein de gens agissent, mais on ne les voit pas. MOAS reçoit des dons du monde entier et de toutes sortes de gens. Pas besoin d'être celui qui achète un bateau et qui sauve des réfugiés en mer. Tu peux être simplement celui qui paie le carburant ou qui donne de l'argent pour des gilets de sauvetage. Toutes ces contributions comptent. Naturellement, d'autres gens restent accros au succès personnel et aux richesses. Ce que je leur dis c'est qu'ils devraient essayer pour de bon de faire l'expérience du don, parce que c'est infiniment plus enrichissant que le fait de prendre.

© Jason Florio, MOAS |
- Christopher Atamian : Le Prix Aurora for Awakening Humanity a été créé pour distinguer ceux qui aident d'autres gens à survivre et à s'en sortir en mémoire de ceux qui ont aidé les Arméniens à survivre au génocide, il y a cent ans. Que penses-tu de ce genre d'initiative ?
- Chris Catrambone : Ce type d’entreprise est à mon sens important, parce qu’elle offre un tremplin à des actions positives qui les valorise. En fin de compte, chaque initiative caritative, chaque réussite font la différence avec toutes les autres récentes qui resent sans effet. Chaque effort pour mettre en valeur des actions positives et bénéfiques pour la société doit être encouragé.
- Christopher Atamian : Y a-t-il d'autres projets humanitaires dans lesquels tu es impliqué ou tu aimerais l'être ?
- Chris Catrambone : Je me concentre sur MOAS. Mais je me passionne pour l'enseignement dans les régions pauvres du monde. J'ai aidé des écoles au Népal, mais je réfléchis sans cesse à d'autres moyens d'aider à résoudre cette crise globale. Finalement, l'enseignement est la clé pour alléger la misère et mettre fin à la guerre.
- Christopher Atamian : Quels sont tes héros ?
- Chris Catrambone : Mes héros sont des gens comme Martin Luther King, Gandhi, Mère Teresa et le pape François - des gens qui luttent pour la dignité humaine dans des périodes sombres et qui ramènent la lumière.
- Christopher Atamian : Dans ton blog , tu incites les gens à définir des objectifs très ciblés, spécifiques, réalisables pour leurs projets humanitaires. En quoi le citoyen lambda qui travaille toute la journée au bureau ou un étudiant avec des moyens limités peuvent-ils aider à faire la différence ?
- Chris Catrambone : Si tu veux trouver du temps, tu dois en dégager. Ce qui signifie souvent être plus efficace ou productif au travail ou à la maison. Laisser tomber les distractions stériles. Pour atteindre des objectifs solides il faut savoir être tenace.
- Christopher Atamian : Comment fais-tu fait pour réaliser tant de choses en si peu de temps? Ton entreprise a connu une croissance éclair et MOAS se développe tout aussi rapidement.
- Chris Catrambone : C'est surtout grâce à ma femme et à ma famille, mais aussi en constituant de très bonnes équipes autour de chaque projet et en croyant très fort à tout ce que je fais. J'arrive à persévérer quand je sais que je suis sur la bonne voie.