Ernesto Zedillo est directeur du Centre d'étude de la mondialisation de Yale, Professeur dans le domaine de l'économie et de la politique internationale, professeur d'études internationales et régionales et professeur adjoint d'études forestières et environnementales à l'Université Yale. Il a été le Président du Mexique de 1994 à 2000. En 2016, Ernesto Zedillo a rejoint le Comité de Sélection du Prix Aurora.
Que pensez-vous du Prix Aurora ? Est-il un succès jusque-là ? Comment influence-t-il la situation humanitaire dans le monde ?
Je pense que le Prix Aurora est une initiative extrêmement importante pour de nombreuses raisons. Parmi lesquelles il y a bien sûr cette reconnaissance envers les personnes et les organisations pour leur travail humanitaire. Mais tout aussi importante ou plus important encore, est qu’il nous rappelle que se déroulent de terribles tragédies dans le monde à l’heure où nous parlons ou décidons du lauréat(e) de cette reconnaissance.
Si vous me le demandez, je vous dirais que je souhaite qu'il n'y ait pas besoin d'avoir le Prix Aurora. Ce serait formidable si nous n'avions pas cette raison de nous réunir. Malheureusement, il y a de nombreuses raisons de se réunir, nous devons nous demander «qui est qui» dans le travail humanitaire et décider quelles activités, initiatives, projets ou travaux doivent être reconnus.
Je pense que c'est extrêmement important, parce que ces tragédies ne sont pas des accidents de la vie ; elles se produisent parce qu’une personne dotée de beaucoup de pouvoir non seulement dans un seul endroit, mais dans de nombreux autres, nuit à l’humanité. Et je pense que nous devons transmettre ce message. Oui, il s'agit de reconnaître les illustres personnes qui font le travail humanitaire, mais il faut aussi se rappeler que cela ne devrait pas se produire. Cela arrive parce que quelqu'un se bat pour le pouvoir, quelqu'un abuse du pouvoir, quelqu'un utilise n'importe quelle excuse pour attaquer violemment les autres. Et c'est inacceptable, cela aurait toujours dû être inacceptable, cela ne devrait pas se produire au XXIe siècle.
Quel est le problème humanitaire le plus pressant au monde en ce moment ?
Malheureusement, il n'en existe pas qu'un seul. C'est très, très triste. J'aimerais pouvoir vous dire qu'il y a un gros problème. Non, nous avons trop de gros problèmes, parce que, bien sûr, nous avons la situation dramatique en Syrie, nous avons la situation dramatique au Soudan, nous avons la situation dramatique au Soudan du Sud, nous avons tellement de crises qui se produisent en même temps. Et c'est pourquoi aujourd'hui nous avons un nombre record de personnes déplacées, de réfugiés dans le monde. Des millions et des millions de personnes souffrent énormément à cause de ces conflits, ce qui est inacceptable.
Qui est le mieux placé pour résoudre ces problèmes ?
Je dirais que c'est un travail qui concerne tout le monde. Mais je dirais aussi que la responsabilité incombe en premier lieu aux grandes puissances qui ne devraient pas utiliser d'autres pays comme terrain d’affrontements par procuration et je pense que c'est ce qui se passe dans de nombreux cas. Ils considèrent les pays comme des plates-formes pour se battre par procuration. C’est pourquoi ils devraient prendre leurs responsabilités. Ce sont les mêmes qui minent aussi les institutions multilatérales qui sont là pour résoudre les controverses et pour régler les conflits. Ainsi, ils devraient soutenir davantage les institutions multilatérales. Et, bien sûr, la société civile joue un rôle énorme. Malheureusement, le rôle qu'ils jouent sous-entend que leurs voix ne sont entendues que lorsqu'elles apportent un soutien humanitaire. Je pense qu'elles devraient également être entendues en matière de prévention des conflits. Toute cette bonne volonté devrait être entendue, afin que quiconque responsable de ces conflits fasse davantage pour les éviter.